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Les trois raisons du succès du Maroc : l’argent du roi, l’honneur des pères et le pardon des condamnés.

La relance de la formation menée par l’Académie Mohammed VI, l’identification à leurs origines des footballeurs nés à l’étranger, jusqu’à 15, et le pacte et le retour de Ziyech et Mazraoui, facteurs clés.

Le succès remporté par le Maroc, premier demi-finaliste du monde arabe et du continent africain à une Coupe du monde, ne peut s’expliquer par la chance d’un ballon ou la réussite d’une séance de tirs au but. Les noms des victimes, la Belgique, l’Espagne et le Portugal, ainsi qu’un match nul contre l’éternelle Croatie, témoignent de la maturité et de la stabilité d’une équipe qui a fait un pas de géant grâce à trois raisons : la création d’écoles de football, promues par la couronne, l’Académie Mohammed VI ; l’identification avec la terre des pères qui a fait choisir le Maroc à 15 footballeurs nés à l’étranger, enfants de migrants ; et le pardon des stars négligées de l’équipe, parmi lesquelles Noussair Mazraoui et Hakim Ziyech.

Les échecs répétés du football marocain, qui n’avait plus jamais approché son plafond de la Coupe du monde, les huitièmes de finale de la Coupe du monde de Mexico 86 avec l’équipe d’Ezaki Badou, ont conduit le roi Mohammed VI à donner des instructions pour construire un centre de formation, une école pour les jeunes talents. La couronne alaouite a donc créé l’Académie portant le nom du monarque en 2009. Situé à Salé, au nord de Rabat, il a des règles très strictes. Elle n’admet que 50 joueurs âgés de 13 à 18 ans, sélectionnés par des recruteurs de tout le pays, qui travaillent en huit séances par semaine, en plus de leur formation académique.

UN PROGRAMME À LA MAROCAINE
L’organisation est financée par la couronne et la contribution d’un certain nombre de sponsors locaux qui passent également par sa main. Il s’agit d’une sorte de programme ADO marocain. Elle n’a pas de but lucratif, mais si certains de ses joueurs sont placés dans des équipes européennes et font l’objet de futurs transferts, une partie des bénéfices reviendra à l’Académie. C’est ce qui s’est passé avec Youssef En-Nesyri, l’attaquant dont le but a permis au Maroc de se qualifier pour les demi-finales contre le Portugal et qui, il y a quatre ans, avait marqué de manière similaire lors du match nul 2-2 contre l’Espagne à la Coupe du monde en Russie. Si à Doha il a dominé Ruben Dias, à Ekaterinbourg il a gagné le duel avec Sergio Ramos.

Déplacé par un agent, le très jeune En-Nesyri avait fait un essai d’un mois à Chelsea, mais cela n’avait pas marché. De retour chez lui, il se retrouve à l’Académie Mohammed VI. L’un des premiers clubs européens à entrer en contact avec le milieu de terrain marocain a été Malaga. L’arrivée d’Abdullah Al-Thani au club avait provoqué ce rapprochement, étant donné les bonnes relations des Al-Thani, la dynastie régnante du Qatar, avec la couronne alaouite. Les regrettés Francesc Arnau et Manel Casanova ont conclu des accords avec le centre, initialement verbaux, et ont emmené En-Nesyri, Hicham, Abqar et un quatrième jeune joueur à Malaga qui ne s’est pas adapté. Pour l’international actuel, ils ont payé 125 000 euros. Sur la vente ultérieure à Leganés, pour quatre millions, un est allé à l’académie. Sevilla paierait ensuite 20.

« ILS DONNERONT DE GRANDS TALENTS ».
Casanova n’est pas le seul Espagnol à avoir eu affaire à l’Académie royale, puisque l’entraîneur Xavi Bernal a travaillé dans ses installations. Un autre qui l’a connu de près est Sergio Piernas, l’entraîneur des U17 du Maroc jusqu’à ce que la pandémie, avec de sévères restrictions dans le pays maghrébin, y mette fin : « Une grande partie des joueurs qu’il a sélectionnés provenaient de son centre, qui est très bien préparé et produira de grands talents à l’avenir ».

Les académies de jeunesse marocaines font également leur travail, notamment dans les clubs les plus puissants, situés à Casablanca, comme l’USM et le Wydad, mais leurs intérêts et le siège des intermédiaires locaux empêchent souvent les jeunes joueurs de faire les bons choix. A l’Académie, ils sont plus protégés, c’est pourquoi de nombreux parents souhaitent que leurs enfants y aient accès, même si le nombre est très limité.

La Fédération dispose également de bonnes installations à Rabat, mais l’organisation a consacré ses plus grands efforts et moyens à la détection. Dans le but d’élargir le nombre de joueurs éligibles, la Fédération a sollicité des recruteurs en Espagne, en Belgique et en France pour suivre des joueurs nés hors du pays mais fils de Marocains, c’est-à-dire éligibles à la sélection. Ils ne recherchent pas seulement ceux qui ne peuvent pas jouer pour leur pays de naissance en raison de leur niveau. Ils cherchent à convaincre.

Pour cette tâche, la Fédération a eu la complicité d’Hervé Renard, entraîneur du Maroc en Russie et de l’Arabie Saoudite au Qatar. Le Français s’est attaché à expliquer aux candidats l’importance de leurs racines, de la défense de leur culture.

MÉTROPOLE CONTRE COLONIE
Achraf Hakimi, né à Madrid, est l’un de ceux qui l’a le plus prôné : « Je me suis toujours senti marocain, j’ai été élevé comme ça et même la nourriture que ma mère prépare est marocaine ». Abde, qui joue à Barcelone, n’avait pas non plus de doutes quant à son choix, contrairement à Munir, qui avait initialement opté pour l’Espagne. « L’identification avec son pays est très forte », dit Piernas. Au total, 15 joueurs, soit plus de la moitié des appelés, sont nés hors du Maroc (trois en Belgique, trois en Espagne, trois en France, quatre aux Pays-Bas, un en Italie et un au Canada). La Belgique et l’Espagne sont déjà tombées à leurs pieds. La France les attend en demi-finale, un choc aux connotations profondes : l’ancienne métropole contre la colonie.

Le pays de leurs futurs adversaires au stade Al Bayt mercredi est aussi le lieu de naissance de l’actuel entraîneur Walid Regragui, troisième raison de leur succès. Ancien joueur du Racing, entre autres clubs, et sans expérience d’entraîneur en dehors du Maroc, il a été appelé par la fédération en août dernier dans l’urgence. Vahid Halilhodzic, l’entraîneur précédent, avait créé une atmosphère infernale au sein de l’équipe nationale avec des punitions pour Mazraoui, un joueur du Bayern, et Ziyech (Chelsea), entre autres. Ce dernier avait été contraint de démissionner de l’équipe nationale. La mission de Regragui était celle d’un pacificateur. Avec un profil bas mais ferme dans ses convictions, il a réussi à les faire revenir et à en faire les piliers d’une équipe marocaine ferme en défense et rapide sur les ailes. Les Lions de l’Atlas l’ont démontré au Qatar en faisant descendre le monde arabe, de Doha à Rabat, dans la rue. Parmi eux, leur roi et mécène.

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